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Quand la science efface les femmes : Cat Bohannon réécrit l’évolution humaine avec “Ève”
Quand la science efface les femmes : Cat Bohannon réécrit l’évolution humaine avec “Ève”
Avec Ève. Comment le corps féminin a façonné 200 millions d’années d’évolution (Éditions Flammarion, 2025), Cat Bohannon s’attaque à des siècles de science pensée par et pour les hommes. Doctorante à l’Université Columbia, où elle étudie l’évolution du langage et de la cognition, la chercheuse américaine démonte, dans cet entretien accordé à Enflammé.e.s le 25 juin 2025, les angles morts de la théorie de l’évolution, les biais de la recherche médicale, et les mythes culturels qui ont invisibilisé les corps féminins.
Elle y dévoile les enjeux politiques du sexe biologique, la violence de l’omission scientifique, et explique pourquoi remettre le corps féminin au centre du savoir est un acte profondément révolutionnaire.
Geneviève Pagé : le féminisme québécois entre ruptures, luttes et héritages
Geneviève Pagé : le féminisme québécois entre ruptures, luttes et héritages
Professeure au département de science politique de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), Geneviève Pagé travaille depuis de nombreuses années sur le féminisme québécois. Militante et chercheuse, elle analyse les évolutions du mouvement depuis les années 1970 : son enracinement dans les luttes nationalistes et marxistes, les choix d’autonomie, les divisions internes, les glissements vers l’institutionnel, mais aussi les grandes victoires — celle de l’avortement en tête — et les tensions toujours vives autour de l’intersectionnalité, de la diversité, de l’inclusion réelle.
De l’émergence de #MeToo à la montée des discours masculinistes dans les écoles, elle observe une nouvelle génération de féministes, puissantes, créatives, mais confrontées à des formes de backlash parfois brutales. Et pendant ce temps, les mouvements anti-choix avancent.
Dans cet entretien accordé à Enflammé.e.s le 13 mars 2025 à Montréal, elle revient sur les trajectoires contrastées du féminisme québécois. Une parole politique, incarnée, exigeante — pour lire l’histoire, et comprendre ce qui se joue encore, maintenant.
Martine Biron : garantir le droit à l’avortement et lutter contre les violences, un féminisme d’action au Québec
Martine Biron : garantir le droit à l’avortement et lutter contre les violences, un féminisme d’action au Québec
Le 18 mars 2025, à Québec, Enflammé.e.s a rencontré Martine Biron, ministre des Relations internationales et de la Francophonie, mais aussi ministre responsable de la Condition féminine dans le gouvernement québécois de François Legault (Coalition avenir Québec, une coalition de centre-droit au pouvoir depuis 2018).
Depuis novembre 2024, Martine Biron pilote un Plan d’action triennal sur l’accès à l’avortement, à l’heure où les droits reproductifs reculent dans de nombreuses démocraties. Ensemble, nous avons discuté des mesures concrètes mises en place pour garantir ce droit fondamental : élargissement de l’accès à la pilule abortive, lutte contre les cliniques anti-choix, refus d’inscrire l’avortement dans la loi pour ne pas en fragiliser l’accès, et travail de fond pour faire tomber les tabous.
Nous avons également évoqué la lutte contre les violences faites aux femmes : création de tribunaux spécialisés, maisons de deuxième étape, bracelets anti-rapprochement, aide financière d’urgence… Autant de dispositifs qui font du Québec un territoire d’action féministe.
Dans un pays où le droit à l’avortement est protégé sans qu’il existe de loi spécifique — une singularité du système canadien — Martine Biron assume une ligne claire : faire confiance aux femmes, protéger leurs choix, et construire un accès égalitaire, pour toutes et partout.
Du Canada aux États-Unis : Véronique Pronovost analyse l’offensive conservatrice contre l’avortement
Du Canada aux États-Unis : Véronique Pronovost analyse l’offensive conservatrice contre l’avortement
À mesure que les offensives anti-avortement s’intensifient aux États-Unis, leurs échos traversent la frontière. Au Canada, les mouvements conservateurs s’organisent, reprennent les discours, les tactiques, et cherchent à redessiner les lignes du possible.
Doctorante en sociologie et en études féministes à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), Véronique Pronovost est chercheure en résidence à l’Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques. Depuis plus de dix ans, elle suit de près les dynamiques transnationales de l’antiféminisme conservateur en Amérique du Nord, et en particulier l’évolution du mouvement contre l’avortement. Membre de plusieurs collectifs de recherche (le Chantier sur l’antiféminisme du RéQEF, le Collectif Action Politique et Démocratie), elle siège également au comité de veille stratégique sur l’avortement piloté par la Fédération du Québec pour le planning des naissances (FQPN).
Spécialiste des interactions entre stratégie politique, discours religieux et recul des droits reproductifs, Véronique Pronovost observe avec lucidité comment une droite religieuse coordonnée impose, lentement mais sûrement, une redéfinition des normes sociales. Dans cet entretien accordé à Enflammé.e.s le 17 mars 2025 au Québec, elle éclaire les logiques à l’œuvre, la nécessité d’une vigilance constante — et l’urgence de penser la riposte, culturelle autant que politique, avant que les reculs ne deviennent irréversibles.
“Libres de choisir. Aux premières lignes de l’avortement” de Julie Boisvert et Élise Ekker-Lambert
“Libres de choisir. Aux premières lignes de l’avortement” de Julie Boisvert et Élise Ekker-Lambert
Le Canada est souvent cité comme un modèle en matière de droits reproductifs. Depuis l’arrêt Morgentaler de 1988, aucune loi ne régit l’IVG, ce qui en fait un soin de santé accessible sans restriction légale. Toutefois, cette absence de loi ne garantit pas un accès universel. L’avortement dépend du réseau de soins et de la volonté des provinces de financer les services.
En conséquence, les disparités d’accès sont énormes. À Montréal, une femme peut avorter rapidement, mais dans certaines régions du Québec et du Canada, il faut parcourir des centaines de kilomètres et attendre plusieurs semaines. Jusqu’à récemment, dans des provinces comme le Nouveau-Brunswick, les cliniques privées n’étaient pas financées par le gouvernement, ce qui rendait l’IVG largement inaccessible aux personnes les plus précaires. Depuis un changement de gouvernement en novembre 2024, cette politique a été modifiée, et l’assurance maladie couvre désormais l’IVG en clinique privée — une avancée importante pour le droit à l’avortement dans la province.
L’avortement reste aussi une cible des mouvements conservateurs. Depuis l’annulation de Roe v. Wade aux États-Unis en 2022, les groupes anti-choix québécois et canadiens ont intensifié leurs actions : désinformation, manifestations, pressions politiques.
C’est dans ce contexte que s’inscrit Libres de choisir. Aux premières lignes de l’avortement (2025), un documentaire réalisé par Julie Boisvert et Élise Ekker-Lambert. En s’immergeant dans les cliniques québécoises et canadiennes, elles donnent la parole aux soignantes et aux patientes, exposant les réalités concrètes de l’IVG. Un regard féministe et engagé, qui interroge aussi l’évolution du débat sur l’avortement et la montée des mouvements anti-choix.
Enflammé.e.s a rencontré les réalisatrices le 13 mars 2025 dans les locaux de la nouvelle Maison de Radio-Canada.
Nouvelle stratégie pour une diplomatie féministe : Delphine O détaille l’engagement international de la France
Nouvelle stratégie pour une diplomatie féministe : Delphine O détaille l’engagement international de la France
Le 7 mars 2025, la France a officiellement dévoilé sa première Stratégie internationale pour une diplomatie féministe 2025-2030. Cette stratégie succède à la Stratégie internationale de la France pour l’égalité entre les femmes et les hommes (2018-2022). Dans un contexte mondial marqué par des reculs inquiétants sur les droits des femmes, la diplomatie féministe française entend s’affirmer comme un levier majeur pour défendre l’égalité de genre sur la scène internationale.
Dans ce contexte, Enflammé.e.s a rencontré Delphine O, ambassadrice et Secrétaire générale du Forum Génération Égalité depuis 2019, au ministère de l’Europe et des Affaires étrangères. Figure incontournable de la diplomatie féministe française, elle a dirigé la conception et l’organisation du Forum Génération Égalité, qui s’est tenu à Paris en juin 2021. Cette conférence, la plus importante consacrée aux droits des femmes depuis la Conférence de Pékin en 1995, a marqué un tournant en mobilisant des États, des organisations internationales et des acteurs de la société civile pour renforcer les engagements en faveur de l’égalité de genre.
Avec elle, nous avons exploré les grandes lignes de cette nouvelle stratégie, ses enjeux financiers, ses initiatives phares et les défis actuels : la montée des attaques réactionnaires contre les droits des femmes, la question de l’impunité des violences sexistes, ainsi que l’urgence de lutter contre les cyberviolences.
Un entretien dense et essentiel pour comprendre les combats à venir et les moyens mis en œuvre par la France pour contrer le recul des droits des femmes à l’international.
Clara Serra : les limites de la notion de consentement
Clara Serra : les limites de la notion de consentement
Alors que la France s’apprête à examiner une proposition de loi visant à inscrire l’absence de consentement dans la définition du viol, Clara Serra, philosophe et militante féministe espagnole, met en garde contre une illusion : celle de croire qu’un simple mot, gravé dans le droit, suffirait à transformer la réalité des violences sexuelles. Dans La Doctrine du consentement (Éditions La Fabrique, 2025), elle déconstruit l’idée d’un consentement conçu comme une solution universelle, un remède à toutes les oppressions, et rappelle que son rôle est d’abord juridique : délimiter la violence, non garantir des relations libres, désirées et égalitaires.
Alors que les députées Véronique Riotton et Marie-Charlotte Garin défendent une réforme qui se veut ambitieuse, Clara Serra invite à un débat plus vaste : quelle place donnons-nous réellement à la parole des femmes ? Comment éviter de faire du consentement un fétiche qui occulterait les rapports de pouvoir ? Que reste-t-il à combattre une fois la loi votée ?
Dans cet entretien accordé à Enflammé.e.s le 18 février 2025, elle démonte les mirages du seul oui est oui et plaide pour une révolution qui dépasse les frontières du droit pénal.
“Socorristas” : la force d’un réseau féministe pour le droit à l’avortement en Argentine
“Socorristas” : la force d’un réseau féministe pour le droit à l’avortement en Argentine
Dans un entretien accordé à Enflammé.e.s le 28 janvier 2025, Caroline Kim Morange raconte son immersion au cœur du militantisme féministe à Córdoba, en Argentine, dans son documentaire Socorristas (2022). Entre 2018 et 2020, l’avortement y était encore largement interdit, sauf en cas de viol ou de danger grave pour la santé. Dans ce contexte, les Socorristas, un collectif de militantes, se sont organisées pour accompagner les femmes souhaitant avorter, leur apportant soutien, écoute et informations essentielles, tout en restant dans les limites légales de la transmission d'informations.
Reconnues à leurs foulards verts, symbole emblématique de la lutte pour l’avortement dans toute l’Amérique latine, ces activistes, surnommées les « secouristes », font partie d’un vaste réseau nommé Socorristas en red. À Córdoba, leur groupe, Socorristas Córdoba Hilando, rassemble étudiantes et femmes actives qui, par des permanences d’écoute, des ateliers d’information et un suivi à distance, accompagnent les femmes pour garantir des avortements aussi sûrs que possible.
Caroline Kim Morange, installée alors à Córdoba, a suivi leur combat quotidien. À travers ce film, elle éclaire la solidarité et la sororité qui structurent ce réseau féministe. Elle offre ainsi le témoignage d’un combat universel : celui des femmes qui revendiquent, face à des lois oppressives, le droit de disposer librement de leur corps.
Neil Datta : la toute-puissance des mouvements anti-choix révélée
Neil Datta : la toute-puissance des mouvements anti-choix révélée
Neil Datta, directeur exécutif du Forum parlementaire européen pour les droits sexuels et reproductifs, a accordé une interview exclusive à Enflammé.e.s le 30 janvier 2025, depuis le siège du Forum à Bruxelles. Il y dévoile les stratégies transnationales des réseaux conservateurs anti-genre, qui s’organisent pour affaiblir les droits sexuels et reproductifs en Europe.
Avec des financements issus des États-Unis, de la Russie et de grandes fortunes européennes, ces mouvements investissent les institutions politiques et médiatiques à travers des campagnes de lobbying et de désinformation.
Face à cette menace transnationale, exacerbée par le retour de Donald Trump, Neil Datta propose une contre-offensive en cinq étapes pour protéger ces droits fondamentaux. Une bataille cruciale pour préserver nos libertés et la stabilité de nos démocraties.
Diplomatie féministe française : aller au-delà des éléments de langage
Diplomatie féministe française : aller au-delà des éléments de langage
Le 10 janvier 2025, Enflammé.e.s a rencontré Lucie Daniel, responsable de plaidoyer et d’études pour Equipop, pour discuter du document de positionnement publié par l’association en novembre 2024 : « Diplomatie féministe » française : maintenir les exigences dans un contexte de backlash. Lors de cet entretien, Lucie Daniel analyse les fondements de la diplomatie féministe, les défis qu’elle soulève en France, ainsi que les enjeux internationaux dans un contexte marqué par la montée des mouvements anti-droits. Elle explore également les impacts d’un possible retour du Global Gag Rule sous une administration Trump II et l’importance de la 4e conférence internationale sur les politiques étrangères féministes, que la France accueillera en 2025.
Déjà interviewée par Enflammé.e.s le 11 décembre 2024, Lucie Daniel avait alors alerté sur l’impact des discours d’extrême droite sur les droits des femmes. Ce nouvel échange offre un éclairage approfondi sur les solutions à mettre en œuvre pour préserver une diplomatie féministe cohérente et ambitieuse.
Créée en 1993, Equipop est une association féministe de solidarité internationale engagée dans la défense des droits des femmes et des filles. L’association met un accent particulier sur leurs droits sexuels et reproductifs, tout en intégrant l’intersectionnalité et l’approche genre au cœur de ses actions. En collaboration avec de nombreux partenaires, Equipop répond aux défis locaux et internationaux pour faire progresser l’égalité de genre.
Convention d'Istanbul : que retenir des réformes législatives suédoise et espagnole en matière de violence sexuelle ?
Convention d'Istanbul : que retenir des réformes législatives suédoise et espagnole en matière de violence sexuelle ?
Françoise Kempf, administratrice au Conseil de l’Europe, au sein du secrétariat du mécanisme de suivi de l’application de la Convention d’Istanbul, division « Violence à l’égard des femmes », revient sur les dix ans de l’entrée en vigueur de cette Convention.
Dans cet entretien accordé à Enflammé.e.s le 6 décembre 2024, elle analyse les défis, les avancées et les enseignements à tirer des réformes législatives en Suède et en Espagne. Ces deux pays ont fait l’objet d’évaluations distinctes dans les premiers rapports thématiques publiés par le GREVIO* en novembre 2024, sous le titre « Établir un climat de confiance en apportant soutien, protection et justice ». Le rapport consacré à la France est attendu au deuxième semestre 2025.
L'Europe féministe contre l’extrême droite
L'Europe féministe contre l’extrême droite
Lucie Daniel, responsable de plaidoyer et d’études pour l’association Equipop, s’exprime dans un entretien à Enflammé.e.s le 11 décembre 2024, à l’occasion de la parution du rapport Comment construire une Europe féministe ? de l’association publié la veille.
Face à la montée de l’extrême droite, à l’érosion des droits dans certains pays, mais aussi à des avancées comme la première directive européenne contre les violences faites aux femmes, Lucie Daniel dresse un constat préoccupant mais propose des stratégies transnationales, un financement renforcé et un rôle plus responsable des médias pour construire une Europe féministe.
Equipop, association féministe de solidarité internationale, agit pour améliorer les droits et la santé des femmes et des filles, en mettant l’accent sur leurs droits sexuels et reproductifs et en intégrant une approche genre dans toutes ses actions.
Les femmes et les minorités de genre face à Donald Trump
Les femmes et les minorités de genre face à Donald Trump
Avec la réélection de Donald Trump le 5 novembre 2024, les questions autour des droits des femmes et des minorités de genre se multiplient.
Pour décrypter les répercussions de cette victoire sur les libertés individuelles, trois spécialistes ont répondu aux questions d’Enflammé.e.s le 8 novembre. Dominique Daniel, professeure de civilisation américaine au département d'anglais à l’Université de Tours ; Hélène Harter, professeure en histoire contemporaine à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et spécialiste de l’histoire des États-Unis ; Hugo Bouvard, maître de conférences en histoire et sociologie des États-Unis et membre du LARCA (Laboratoire de Recherche sur les Cultures Anglophones) à l’Université Paris Cité.