À LA UNE
Chirinne Ardakani : du prétoire à la scène, juger le patriarcat
Chirinne Ardakani : du prétoire à la scène, juger le patriarcat
Avocate franco-iranienne en droit pénal et en droits des étrangers, Chirinne Ardakani défend des dissidents politiques à travers le monde, dont Narges Mohammadi, militante féministe et abolitionniste, prix Nobel de la paix 2023.
En septembre 2022, à la suite de l’assassinat de Jîna Mahsa Amini, elle cofonde le collectif Iran Justice, qui documente les crimes du régime, engage des actions contentieuses (saisines du Groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire) et plaide la reconnaissance internationale de l’« apartheid de genre ».
Avec Me Frédéric Nasrinfar, elle a coécrit Holopherne doit mourir, procès fictif qui met « le patriarcat » dans le box des accusés pour crimes contre l’humanité. Il se tiendra au Théâtre de la Concorde le 11 octobre 2025.
Cette prise de parole fait écho à l’actualité d’Enflammé.e.s, partenaire média de 7 jours, le dernier film d’Ali Samadi Ahadi (sur un scénario de Mohammad Rasoulof) inspiré de la figure de Narges Mohammadi.
À la veille des trois ans du féminicide [N.D.L.R. le fait qu'une femme soit tuée pour être une femme] de Jîna Mahsa Amini, Chirinne Ardakani a accordé cet entretien à Enflammé.e.s. Elle y relie droit, diplomatie féministe et scène artistique autour d’une même boussole : faire triompher « Femmes, Vie, Liberté » par le droit, la solidarité et la justice.
Penser le féminicide comme un fait politique avec Margot Giacinti
Penser le féminicide comme un fait politique avec Margot Giacinti
Chercheuse en science politique, militante au Planning Familial du Rhône et lauréate du prix de thèse 2024 de l’Institut du Genre, Margot Giacinti est l'une des premières en France à avoir consacré une recherche doctorale à l'histoire des féminicides, soutenue à l'ENS de Lyon en 2023. Aujourd'hui post-doctorante à l’Université de Lille, elle travaille sur les politiques publiques de lutte contre les violences de genre. Son livre Le commun des mortelles. Faire face au féminicide (Éditons Divergences, 2025) s’attache à restituer deux siècles d’une violence structurelle et genrée, trop longtemps dissimulée sous les euphémismes du droit et les silences de l’histoire.
Dans un entretien accordé à Enflammé.e.s, l’autrice revient sur les racines profondes de ce phénomène social : du traitement judiciaire différencié des féminicides conjugaux dès le 19e siècle, à l’effacement des pionnières féministes comme Hubertine Auclert ou Frances Power Cobbe, jusqu’aux impensés contemporains de la notion — notamment la difficulté à inclure les femmes trans, les travailleuses du sexe ou les féminicides non conjugaux dans les comptages militants et institutionnels.
Alors que le documentaire Netflix De rockstar à tueur : Le cas Cantat sorti le 27 mars 2025 a suscité une réflexion collective sur l'impunité des violences masculines médiatiques, et que la plateforme Nous Toutes comptabilise déjà 73 féminicides en France au 15 juin 2025, soit en moyenne un meurtre de femme tous les deux jours, Margot Giacinti alerte sur les limites de la réponse judiciaire, les angles morts des politiques publiques, et l’appropriation inquiétante du terme « féminicide » par des discours réactionnaires. Elle plaide pour une lecture féministe, historique et intersectionnelle de ces meurtres, et rappelle que les victimes ne sont pas toujours passives, mais aussi actrices de résistances, souvent invisibles, qu’il est urgent de documenter et de reconnaître.
Premier Index de la féminisation du pouvoir : Oxfam alerte sur l’exclusion persistante des femmes, 80 ans après leur premier vote
Premier Index de la féminisation du pouvoir : Oxfam alerte sur l’exclusion persistante des femmes, 80 ans après leur premier vote
Le 29 avril 1945, les Françaises votaient pour la première fois, quelques mois après avoir obtenu le droit de vote du gouvernement provisoire du général de Gaulle. Quatre-vingts ans plus tard, Oxfam France publie son rapport Le pouvoir : nom masculin et sonne l’alarme : seules 28 % des fonctions de pouvoir sont aujourd'hui occupées par des femmes, bien loin de la parité promise.
Pour comprendre l’ampleur de ce recul silencieux, Enflammé.e.s a rencontré le 25 avril 2025 Sandra Lhote-Fernandes, responsable Plaidoyer & Campagne Justice de Genre chez Oxfam France : sans réforme constitutionnelle et changement profond des règles du jeu, la démocratie française restera incomplète.
Christelle Taraud : la pornographie, un projet idéologique de destruction des femmes
Christelle Taraud : la pornographie, un projet idéologique de destruction des femmes
Le 19 mai 2025, la Cour de cassation doit se prononcer sur une possible requalification des faits en actes de torture, de barbarie et de racisme systémique dans l’affaire « French Bukkake ». Cette décision conditionnera un éventuel renvoi devant les Assises. L’affaire « Jacquie et Michel », elle, reste encore en instruction. Au total, une vingtaine d’hommes sont mis en examen. Ils sont poursuivis pour des faits d’une extrême violence : viols en réunion, traite d’êtres humains, chantage, menaces.
Face à cette industrie désormais exposée, seize plaignantes témoignent dans Sous nos regards. Récits de la violence pornographique, un livre collectif publié le 11 avril 2025 aux éditions du Seuil, porté par quinze autrices engagées.
Historienne et féministe, Christelle Taraud en signe l’une des deux préfaces. Dans cet entretien accordé à Enflammé.e.s le 15 avril, elle livre une analyse sans détour de ce qu’elle nomme un « capitalisme sexuel de prédation » : un système fondé sur la terreur, l’humiliation, l’exploitation des corps féminins. Pour elle, il ne s’agit plus de pornographie au sens culturel du terme, mais d’un dispositif de domination planifié, une offensive masculiniste visant à briser les femmes — avec la complicité de la société et l’aveuglement des institutions.
Clara Serra : les limites de la notion de consentement
Clara Serra : les limites de la notion de consentement
Alors que la France s’apprête à examiner une proposition de loi visant à inscrire l’absence de consentement dans la définition du viol, Clara Serra, philosophe et militante féministe espagnole, met en garde contre une illusion : celle de croire qu’un simple mot, gravé dans le droit, suffirait à transformer la réalité des violences sexuelles. Dans La Doctrine du consentement (Éditions La Fabrique, 2025), elle déconstruit l’idée d’un consentement conçu comme une solution universelle, un remède à toutes les oppressions, et rappelle que son rôle est d’abord juridique : délimiter la violence, non garantir des relations libres, désirées et égalitaires.
Alors que les députées Véronique Riotton et Marie-Charlotte Garin défendent une réforme qui se veut ambitieuse, Clara Serra invite à un débat plus vaste : quelle place donnons-nous réellement à la parole des femmes ? Comment éviter de faire du consentement un fétiche qui occulterait les rapports de pouvoir ? Que reste-t-il à combattre une fois la loi votée ?
Dans cet entretien accordé à Enflammé.e.s le 18 février 2025, elle démonte les mirages du seul oui est oui et plaide pour une révolution qui dépasse les frontières du droit pénal.
Justice restaurative : repenser la réparation au cœur du système judiciaire
Justice restaurative : repenser la réparation au cœur du système judiciaire
Magistrat, docteur en droit, ancien juge des enfants et ex-secrétaire général de l’Institut des Hautes Études sur la Justice, Antoine Garapon a également été membre de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (CIASE) de 2019 à 2021. Aujourd’hui président de la Commission Reconnaissance et Réparation (CRR), il continue de repenser en profondeur le rôle de la justice.
Dans son ouvrage Pour une autre justice : La voie restaurative (Éditions PUF, 2025) il met en lumière les limites de la justice punitive et l’urgence d’un système fondé sur la réparation. Il s’interroge sur les mécanismes institutionnels qui prolongent les souffrances des victimes et propose une approche visant à leur rendre la capacité de se reconstruire. Dans cet entretien accordé à Enflammé.e.s le 7 février 2025, il partage sa vision d’une justice qui prend pleinement en compte l’expérience des victimes.
Catherine Le Magueresse : inscrire le consentement dans la législation française en matière de viol pour mieux protéger les victimes de violences sexuelles
Catherine Le Magueresse : inscrire le consentement dans la législation française en matière de viol pour mieux protéger les victimes de violences sexuelles
Juriste, Catherine Le Magueresse explore les failles du droit pénal français face aux violences sexuelles. Ancienne présidente de l’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT), chercheuse et autrice du livre Les Pièges du consentement. Pour une redéfinition pénale du consentement sexuel (Éditions iXe, 2021), elle plaide pour une réforme législative de la définition du viol, centrée sur un consentement explicite et positif.
Le 19 décembre 2024, une nouvelle proposition de loi a été déposée à l’Assemblée nationale, visant à intégrer la notion de consentement dans la définition pénale du viol. Le texte précise qu’« il n’y a pas de consentement libre et éclairé lorsque l’acte à caractère sexuel a été commis en profitant volontairement d’une situation de vulnérabilité de la victime que l’auteur ne pouvait raisonnablement ignorer, due notamment à un état de peur, de sidération, d’emprise ou à l’influence de toute substance ayant pour effet d’altérer le libre arbitre. »
Dans cet entretien accordé à Enflammé.e.s le lendemain, Catherine Le Magueresse analyse les résistances institutionnelles, culturelles et politiques qui freinent ce changement, tout en soulignant l’importance de cette avancée législative pour mieux protéger les victimes.
Gwenola Joly-Coz : la magistrate combattante pour une justice féministe
Gwenola Joly-Coz : la magistrate combattante pour une justice féministe
Première présidente de la Cour d’appel de Poitiers et fondatrice de l’association Femmes de Justice, Gwenola Joly-Coz est une figure majeure du féminisme judiciaire en France. Forte de ses expériences en Outre-mer et en métropole, elle milite pour une justice plus égalitaire, où la parole des femmes est pleinement reconnue et les violences faites aux femmes, mieux combattues.
À travers cette interview accordée à Enflammé.e.s le 29 novembre 2024, elle revient sur son parcours, et les défis qui l’attendent à la Cour d’appel de Papeete qu’elle rejoindra dès janvier 2025.
Anne Bouillon : la voix des femmes dans les prétoires
Anne Bouillon, la voix des femmes dans les prétoires
Avocate pénaliste engagée et militante féministe, Anne Bouillon met sa robe au service de celles qui n’ont souvent ni les mots ni les moyens pour se faire entendre. Dans son livre Affaires de femmes - Une vie à plaider pour elles, elle dévoile les récits poignants des femmes qu’elle défend, tout en questionnant une justice souvent violente pour les victimes.
Dans cet entretien accordé à Enflammé.e.s le 8 novembre 2024 elle revient sur son cheminement vers le féminisme, son combat contre les biais sexistes au sein des institutions, et sa vision d’une réforme indispensable du système judiciaire. Un appel à la vigilance, à l’action, et surtout à l’écoute. Une prise de parole qui résonne encore plus fort au lendemain de la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes.