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Femmes et extrême droite : l’effacement du genre, pas des idées
Femmes et extrême droite : l’effacement du genre, pas des idées
Depuis 2012, le vote des femmes pour l’extrême droite ne se distingue plus de celui des hommes. Confirmée lors de la présidentielle de 2022 et des législatives de 2024, cette disparition du « gender gap » électoral marque une rupture dans l’histoire politique française. Marine Le Pen, qui a dirigé le Rassemblement national (RN) de 2011 à 2021, a largement contribué à cette évolution. Jordan Bardella, son successeur, poursuit cette dynamique avec une image plus lisse, séduisante pour une partie des jeunes électrices. Comment le RN a-t-il féminisé son électorat sans renoncer à son logiciel idéologique ?
Dans un entretien à Enflammé.e.s le 6 juin 2025, la politiste Nonna Mayer et la doctorante Noémie Piolat analysent une recomposition électorale profonde, où se mêlent précarité sociale, effets générationnels, sous-cultures numériques et instrumentalisation sécuritaire des droits des femmes.
Féminisme identitaire : l’arme culturelle de l’extrême droite
Féminisme identitaire : l’arme culturelle de l’extrême droite
Depuis 2019, le collectif Némésis, vitrine féminine de la mouvance identitaire française, multiplie les actions spectaculaires et les prises de parole médiatiques au nom d’un « féminisme identitaire ». Se réclamant de la défense des femmes blanches face aux « agresseurs issus de l’immigration », ses militantes dénoncent l’intersectionnalité, ciblent les quartiers populaires et s’opposent aux courants féministes progressistes. Derrière une rhétorique d’apparence égalitaire se déploie une stratégie politique articulée à une vision racialiste du sexisme.
Charlène Calderaro, docteure en sciences sociales et chercheuse au Centre Études Genre de l’Université de Lausanne, consacre ses travaux à l’appropriation du féminisme par l’extrême droite. Dans cet entretien accordé à Enflammé.e.s le 20 mai 2025, elle analyse la généalogie, les ressorts idéologiques et les effets politiques de cette mouvance, qui détourne les luttes féministes pour nourrir un projet nationaliste. En s’appuyant sur une enquête comparative menée en France et au Royaume-Uni, elle montre comment la pénalisation du harcèlement de rue, initialement portée par les militantes féministes, a été intégrée par l’État avant d’être réappropriée — et radicalement redéfinie — par des militantes d’extrême droite. Une lecture lucide, rigoureuse, et nécessaire pour comprendre les recompositions actuelles du champ féministe.
Féminisme dévoyé, agenda réactionnaire : les visages féminins de l’extrême droite
Féminisme dévoyé, agenda réactionnaire : les visages féminins de l’extrême droite
Le 28 avril 2025, Enflammé.e.s s’est entretenu avec Magali Della Sudda, politiste et socio-historienne, chargée de recherche au CNRS et membre du Centre Émile Durkheim (CNRS/Sciences Po Bordeaux). Trois ans après la publication de son ouvrage Les nouvelles femmes de droite (Éditions Hors d’atteinte, 2022), elle analyse la manière dont certaines militantes des droites radicales reprennent les codes du féminisme pour mieux les détourner.
Sous une esthétique soignée et un discours d’émancipation de façade, elles promeuvent un projet politique profondément inégalitaire, identitaire et réactionnaire. À travers elles, c’est l’idéologie de l’extrême droite contemporaine qui se redessine.
Sara R. Farris : le fémonationalisme, une idéologie sexiste et raciste au nom des femmes
Sara R. Farris : le fémonationalisme, une idéologie sexiste et raciste au nom des femmes
Le 1er avril 2025, Enflammé.e.s s’est entretenu avec Sara R. Farris, sociologue, maîtresse de conférences à Goldsmiths (Université de Londres), spécialiste des migrations, du genre et de l’économie politique du care. Ses recherches portent notamment sur le rôle central des travailleuses migrantes dans les économies de la reproduction sociale, la racialisation du sexisme et la financiarisation du secteur du soin.
Elle est l’autrice de In the Name of Women’s Rights. The Rise of Femonationalism (Duke University Press, 2017), traduit en français sous le titre Au nom des femmes. « Fémonationalisme » : les instrumentalisations racistes du féminisme (Éditions Syllepse, 2021), un ouvrage qui a largement contribué à diffuser le concept de fémonationalisme. Celui-ci désigne l’instrumentalisation de la cause des femmes par des partis nationalistes, xénophobes ou néolibéraux, à des fins anti-immigration et islamophobes.
Dans cet entretien, elle revient sur la banalisation de ce phénomène, ses racines économiques, ses prolongements racistes, et les ambiguïtés croissantes autour d’un féminisme désormais mobilisé par l’extrême droite. Une analyse cruciale, alors que Marine Le Pen a été condamnée la veille à de la prison ferme et à cinq ans d’inéligibilité, et que la droite radicale se recompose à l’approche de l’élection présidentielle de 2027.