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Féminisme identitaire : l’arme culturelle de l’extrême droite
Féminisme identitaire : l’arme culturelle de l’extrême droite
Depuis 2019, le collectif Némésis, vitrine féminine de la mouvance identitaire française, multiplie les actions spectaculaires et les prises de parole médiatiques au nom d’un « féminisme identitaire ». Se réclamant de la défense des femmes blanches face aux « agresseurs issus de l’immigration », ses militantes dénoncent l’intersectionnalité, ciblent les quartiers populaires et s’opposent aux courants féministes progressistes. Derrière une rhétorique d’apparence égalitaire se déploie une stratégie politique articulée à une vision racialiste du sexisme.
Charlène Calderaro, docteure en sciences sociales et chercheuse au Centre Études Genre de l’Université de Lausanne, consacre ses travaux à l’appropriation du féminisme par l’extrême droite. Dans cet entretien accordé à Enflammé.e.s le 20 mai 2025, elle analyse la généalogie, les ressorts idéologiques et les effets politiques de cette mouvance, qui détourne les luttes féministes pour nourrir un projet nationaliste. En s’appuyant sur une enquête comparative menée en France et au Royaume-Uni, elle montre comment la pénalisation du harcèlement de rue, initialement portée par les militantes féministes, a été intégrée par l’État avant d’être réappropriée — et radicalement redéfinie — par des militantes d’extrême droite. Une lecture lucide, rigoureuse, et nécessaire pour comprendre les recompositions actuelles du champ féministe.
Le féminisme d’État en France et au Québec : bilan d’un demi-siècle d’institutionnalisation avec Anne Revillard
Le féminisme d’État en France et au Québec : bilan d’un demi-siècle d’institutionnalisation avec Anne Revillard
Le 4 mars 2025, Enflammé.e.s a rencontré Anne Revillard, professeure de sociologie à Sciences Po, chercheuse spécialiste des politiques publiques d’égalité et directrice du Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (LIEPP). Elle est également membre du Centre de recherche sur les inégalités sociales (CRIS) et s’est distinguée par ses travaux sur l’articulation entre droit, action publique et transformations des inégalités de genre et de handicap.
En 2016, elle a publié La cause des femmes dans l’État. Une comparaison France-Québec aux Presses universitaires de Grenoble, un ouvrage qui fait aujourd’hui référence sur la manière dont les institutions publiques ont intégré – ou non – les revendications féministes des années 1960 aux années 2010. À travers une approche comparative, elle y analyse la construction du féminisme d’État en France et au Québec, ainsi que la capacité de ces institutions à défendre les droits des femmes face aux résistances politiques et administratives.
Si elle a cessé de travailler sur ces questions depuis une dizaine d’années, son regard historique permet de revenir sur des décennies de luttes pour l’égalité. Comment ces institutions ont-elles émergé sous l’impulsion des mouvements féministes ? Quels leviers ont-elles pu mobiliser pour influer sur les politiques publiques ? Face aux alternances politiques et aux résistances institutionnelles, ont-elles réussi à imposer la cause des femmes au sein de l’État ?
Dans cet entretien, elle revient sur son travail, les dynamiques qui ont structuré le féminisme d’État, et les leçons que l’on peut tirer aujourd’hui de cette institutionnalisation des luttes féministes. Une plongée passionnante dans les coulisses des politiques publiques féministes.