Premier Index de la féminisation du pouvoir : Oxfam alerte sur l’exclusion persistante des femmes, 80 ans après leur premier vote

Le 29 avril 1945, les Françaises  votaient pour la première fois, quelques mois après avoir obtenu le droit de vote du gouvernement provisoire du général de Gaulle. Quatre-vingts ans plus tard, Oxfam France publie son rapport Le pouvoir : nom masculin et sonne l’alarme : seules 28 % des fonctions de pouvoir sont aujourd'hui occupées par des femmes, bien loin de la parité promise.

Pour comprendre l’ampleur de ce recul silencieux, Enflammé.e.s a rencontré le 25 avril 2025 Sandra Lhote-Fernandes, responsable Plaidoyer & Campagne Justice de Genre chez Oxfam France : sans réforme constitutionnelle et changement profond des règles du jeu, la démocratie française restera incomplète.

Pour la première fois, Oxfam France dévoile aujourd’hui, 29 avril 2025, l’Index de la féminisation du pouvoir qui évalue la place des femmes au sein de l’exécutif, du législatif, des collectivités locales, des hautes juridictions, de la haute administration et des partis politiques.

 

Derrière les avancées symboliques, la réalité du pouvoir reste profondément inégalitaire. Aujourd'hui,  Oxfam France dévoile pour la première fois un Index de la féminisation du pouvoir, évaluant la place des femmes au sein de l’exécutif, du législatif, des collectivités locales, des hautes juridictions, de la haute administration et des partis politiques. L’analyse est sans appel : les femmes sont encore largement sous-représentées, et la parité réelle demeure hors d’atteinte.

Le rapport souligne que la parité gouvernementale affichée est largement cosmétique. Si les femmes représentent la moitié des membres du gouvernement, aucun ministère régalien (Intérieur, Justice, Armées, Finances, Affaires étrangères) n’est dirigé par une femme​. « Aucun des ministères régaliens n’est dirigé par une femme », rappelle Sandra Lhote-Fernandes. Pire encore, seules 20 % des directions de cabinets ministériels sont exercées par des femmes​.

Au Parlement, les reculs sont nets. Les femmes représentent 36 % des députés (en baisse par rapport à 2022) et 37,4 % des sénateurs​. L’élection historique de Yaël Braun-Pivet à la présidence de l’Assemblée nationale en juin 2022, suivie de sa réélection en juillet 2024, n’a pas suffi à enrayer le reflux de la parité dans l’hémicycle. Le rapport dénonce une politique de façade qui masque mal la persistance d’un « plafond de verre massif ».

Le constat est encore plus préoccupant à l’échelle locale. Seules 20,8 % des maires sont des femmes, et certains territoires comme Mayotte ou Saint-Pierre-et-Miquelon n’en comptent aucune​​. « Dès qu’il s’agit d’accéder aux fonctions exécutives, un plafond de verre massif subsiste », alerte Sandra Lhote-Fernandes. À l’approche des municipales de 2026, Oxfam appelle à une vigilance accrue.

Ce verrouillage du pouvoir n’est pas dû à un manque de volontaires : il s’explique par des freins structurels identifiés de longue date. Stéréotypes sexistes, monopole masculin des réseaux d’influence, inégalités d’accès à la formation politique, violences sexistes et sexuelles… Autant d’obstacles qui dissuadent et excluent. « Même aujourd’hui, c’est très difficile pour une femme d’exercer sans subir de violences », affirme Sandra Lhote-Fernandes.

Le statut sacrificiel de la vie politique est lui aussi pointé du doigt. Les horaires parlementaires incompatibles avec la parentalité, la précarité du statut d’élue et le manque de soutien logistique rendent l’engagement politique encore plus complexe pour les femmes. « La politique reste pensée comme une carrière sacrificielle — ce qui éloigne beaucoup de femmes », résume Sandra Lhote-Fernandes.

 
 

Pour un acte II de la parité

Face à ces constats, Oxfam appelle à un changement profond des règles du jeu. L’ONG s’appuie sur les recommandations du rapport du Haut Conseil à l'Égalité (HCE), publié le 12 décembre 2022, intitulé Parité politique : la nécessité d'un acte II.  « Il faut changer les règles du jeu pour que la parité ne dépende plus de la bonne volonté de quelques-uns », insiste Sandra Lhote-Fernandes.

La première mesure réclamée est une révision de la Constitution pour faire de la parité un droit fondamental, et non un simple principe incitatif. Le HCE recommande également une réforme des modes de scrutin, en instaurant le scrutin binominal ou des scrutins de liste là où ils sont encore majoritaires, comme aux législatives et sénatoriales​.

Oxfam demande par ailleurs l'instauration de quotas dans les nominations ministérielles et au sein des cabinets, pour éviter que les femmes soient cantonnées à des postes secondaires. La parité ne doit plus se limiter à une vitrine symbolique.

L’ONG plaide aussi pour une transformation du statut de l’élu, afin de rendre la vie politique plus compatible avec la parentalité et l’équilibre des temps de vie. Le soutien à la parentalité, la sécurisation des parcours, la revalorisation du mandat font partie des leviers recommandés par le HCE​.

La lutte contre les violences sexistes et sexuelles constitue un autre pilier central. Oxfam exige la création d’instances indépendantes, capables de traiter ces violences dans les partis et institutions, et la mise en œuvre de codes déontologiques contraignants​​.

Enfin, Sandra Lhote-Fernandes insiste sur une distinction cruciale : « Toutes les femmes ne sont pas féministes. Il faut des femmes qui défendent les droits des femmes ». La féminisation du pouvoir n’est pas une fin en soi : seule une présence féministe forte permet des politiques réellement transformatrices.

Alors que les droits des femmes sont menacés dans de nombreux pays et que les discours anti-genre progressent en Europe, l’appel lancé par Oxfam est limpide. Selon les prévisions de l’ONU, il faudra encore trois cents ans pour atteindre l’égalité totale entre les sexes si rien ne change​. Le pouvoir reste, en 2025, un nom masculin. Mais pour Oxfam, cette inégalité ne doit plus être une fatalité : il est temps que la démocratie française tienne enfin ses promesses.

 
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