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Geneviève Pagé : le féminisme québécois entre ruptures, luttes et héritages
Geneviève Pagé : le féminisme québécois entre ruptures, luttes et héritages
Professeure au département de science politique de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), Geneviève Pagé travaille depuis de nombreuses années sur le féminisme québécois. Militante et chercheuse, elle analyse les évolutions du mouvement depuis les années 1970 : son enracinement dans les luttes nationalistes et marxistes, les choix d’autonomie, les divisions internes, les glissements vers l’institutionnel, mais aussi les grandes victoires — celle de l’avortement en tête — et les tensions toujours vives autour de l’intersectionnalité, de la diversité, de l’inclusion réelle.
De l’émergence de #MeToo à la montée des discours masculinistes dans les écoles, elle observe une nouvelle génération de féministes, puissantes, créatives, mais confrontées à des formes de backlash parfois brutales. Et pendant ce temps, les mouvements anti-choix avancent.
Dans cet entretien accordé à Enflammé.e.s le 13 mars 2025 à Montréal, elle revient sur les trajectoires contrastées du féminisme québécois. Une parole politique, incarnée, exigeante — pour lire l’histoire, et comprendre ce qui se joue encore, maintenant.
Martine Biron : garantir le droit à l’avortement et lutter contre les violences, un féminisme d’action au Québec
Martine Biron : garantir le droit à l’avortement et lutter contre les violences, un féminisme d’action au Québec
Le 18 mars 2025, à Québec, Enflammé.e.s a rencontré Martine Biron, ministre des Relations internationales et de la Francophonie, mais aussi ministre responsable de la Condition féminine dans le gouvernement québécois de François Legault (Coalition avenir Québec, une coalition de centre-droit au pouvoir depuis 2018).
Depuis novembre 2024, Martine Biron pilote un Plan d’action triennal sur l’accès à l’avortement, à l’heure où les droits reproductifs reculent dans de nombreuses démocraties. Ensemble, nous avons discuté des mesures concrètes mises en place pour garantir ce droit fondamental : élargissement de l’accès à la pilule abortive, lutte contre les cliniques anti-choix, refus d’inscrire l’avortement dans la loi pour ne pas en fragiliser l’accès, et travail de fond pour faire tomber les tabous.
Nous avons également évoqué la lutte contre les violences faites aux femmes : création de tribunaux spécialisés, maisons de deuxième étape, bracelets anti-rapprochement, aide financière d’urgence… Autant de dispositifs qui font du Québec un territoire d’action féministe.
Dans un pays où le droit à l’avortement est protégé sans qu’il existe de loi spécifique — une singularité du système canadien — Martine Biron assume une ligne claire : faire confiance aux femmes, protéger leurs choix, et construire un accès égalitaire, pour toutes et partout.
Du Canada aux États-Unis : Véronique Pronovost analyse l’offensive conservatrice contre l’avortement
Du Canada aux États-Unis : Véronique Pronovost analyse l’offensive conservatrice contre l’avortement
À mesure que les offensives anti-avortement s’intensifient aux États-Unis, leurs échos traversent la frontière. Au Canada, les mouvements conservateurs s’organisent, reprennent les discours, les tactiques, et cherchent à redessiner les lignes du possible.
Doctorante en sociologie et en études féministes à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), Véronique Pronovost est chercheure en résidence à l’Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques. Depuis plus de dix ans, elle suit de près les dynamiques transnationales de l’antiféminisme conservateur en Amérique du Nord, et en particulier l’évolution du mouvement contre l’avortement. Membre de plusieurs collectifs de recherche (le Chantier sur l’antiféminisme du RéQEF, le Collectif Action Politique et Démocratie), elle siège également au comité de veille stratégique sur l’avortement piloté par la Fédération du Québec pour le planning des naissances (FQPN).
Spécialiste des interactions entre stratégie politique, discours religieux et recul des droits reproductifs, Véronique Pronovost observe avec lucidité comment une droite religieuse coordonnée impose, lentement mais sûrement, une redéfinition des normes sociales. Dans cet entretien accordé à Enflammé.e.s le 17 mars 2025 au Québec, elle éclaire les logiques à l’œuvre, la nécessité d’une vigilance constante — et l’urgence de penser la riposte, culturelle autant que politique, avant que les reculs ne deviennent irréversibles.
“Libres de choisir. Aux premières lignes de l’avortement” de Julie Boisvert et Élise Ekker-Lambert
“Libres de choisir. Aux premières lignes de l’avortement” de Julie Boisvert et Élise Ekker-Lambert
Le Canada est souvent cité comme un modèle en matière de droits reproductifs. Depuis l’arrêt Morgentaler de 1988, aucune loi ne régit l’IVG, ce qui en fait un soin de santé accessible sans restriction légale. Toutefois, cette absence de loi ne garantit pas un accès universel. L’avortement dépend du réseau de soins et de la volonté des provinces de financer les services.
En conséquence, les disparités d’accès sont énormes. À Montréal, une femme peut avorter rapidement, mais dans certaines régions du Québec et du Canada, il faut parcourir des centaines de kilomètres et attendre plusieurs semaines. Jusqu’à récemment, dans des provinces comme le Nouveau-Brunswick, les cliniques privées n’étaient pas financées par le gouvernement, ce qui rendait l’IVG largement inaccessible aux personnes les plus précaires. Depuis un changement de gouvernement en novembre 2024, cette politique a été modifiée, et l’assurance maladie couvre désormais l’IVG en clinique privée — une avancée importante pour le droit à l’avortement dans la province.
L’avortement reste aussi une cible des mouvements conservateurs. Depuis l’annulation de Roe v. Wade aux États-Unis en 2022, les groupes anti-choix québécois et canadiens ont intensifié leurs actions : désinformation, manifestations, pressions politiques.
C’est dans ce contexte que s’inscrit Libres de choisir. Aux premières lignes de l’avortement (2025), un documentaire réalisé par Julie Boisvert et Élise Ekker-Lambert. En s’immergeant dans les cliniques québécoises et canadiennes, elles donnent la parole aux soignantes et aux patientes, exposant les réalités concrètes de l’IVG. Un regard féministe et engagé, qui interroge aussi l’évolution du débat sur l’avortement et la montée des mouvements anti-choix.
Enflammé.e.s a rencontré les réalisatrices le 13 mars 2025 dans les locaux de la nouvelle Maison de Radio-Canada.